IRON MAIDEN : Senjutsu (2021)
En théorie, un nouvel album d'Iron Maiden est attendu comme un mets exquis, un mets que l'on a préparé avec application et sérieux mais aussi avec de l'Amour avec un grand "A" pendant des heures et ce, dans l'unique but de ravir les convives que l'on a invités chez soi.
Or, le problème avec Iron Maiden, groupe-phare des années 80 qui, en ce qui me concerne, a littéralement renversé mon adolescence pas boutonneuse (eh oui, à ce niveau-là, j'ai eu de la chance...
), réside dans le fait que depuis quelques albums les morceaux proposés par un certain Steve Harris, se sont étirés, développés et généralisés, ceci étant de toute évidence le fruit de l'inspiration débordante du maître à penser de ce groupe. Il faut en effet puiser aujourd'hui du côté des grands ténors du rock progressif (avec peut-être moins de grandiloquence) comme Jethro Tull, Yes (dont il est éperdument fan) et le Genesis 'old school' pour définir le style Maiden d'aujourd'hui.
Tout d'abord, arrêtons-nous quelques instants sur cette magnifique pochette même si au demeurant, j'eusse préféré que le groupe opte pour la fresque intérieure.Tant pis. Cela n'aura échappé à personne mais ce visuel n'est pas sans rappeler celui qui ornait celui du maxi 45 tours live intitulé Maiden Japan (d'ailleurs, je me demande encore aujourd'hui la raison pour laquelle à l'époque, nos compères n'avaient pas pris l'initiative de sortir cet excellent concert dans son intégralité). Menaçant comme à son habitude, Eddie après avoir décimé tous ceux qui s'étaient mis en travers de sa route, est toujours en colère. Avec lui, c'est du "sang pur sang"......C'est l'oeuvre d'un dessinateur que bon nombre d'entre nous connaissent puisqu'il s'agit du talentueux Mark Wilkinson qui fut souvent assimilé aux superbes pochettes de Marillion dans les années 80. Je ne m'attèlerai pas à une analyse symbolique détaillée de ce visuel comme certains se sont prêtés il y a quelques années à le faire avec talent sur les précédents albums notamment Live After Death (certainement la plus belle pochette du groupe à mon avis) et Somewhere In Time). Cependant sur la fresque que j'évoquais précédemment, on remarque en haut à gauche la présence de ce qui pourrait s'apparenter au Mont Fuji, la montagne divine par excellence au Japon comme si finalement, sous l'égide de ce lieu sacré, Eddie, tout sanguinolent, serait investi d'une mission tendant à chasser et exterminer les impies. Je vous laisse le choix d'interpréter à votre guise cette oeuvre car il s'agit d'une oeuvre à mon humble avis.
Passons donc maintenant au contenu musical de ce nouvel album. Ne nous voilons pas la face, c'est d'entrée de jeu du très haut niveau et ce, malgré une production discutable de la part de Kevin 'The Caveman' Shirley (peut-être a t-il confondu avec la production d'un album de blues (Bonamassa ?)). C'est vrai que depuis quelques albums, on nous gratifie d'une production "hum hum".....
Il n'en demeure pas moins que ce qui nous est proposé, flirte avec du très haut niveau (c'est écrit plus haut) et donc le ton est donné avec le morceau-titre qui ouvre les hostilités sur des percussions inquiétantes suivies d'un riff incisif accompagné par un rythme syncopé. La voix de Dickinson surgit ipso facto, s'accordant parfaitement avec la complexité de ce premier essai. N'en déplaise à certains, on se dirige tout droit vers des pièces à caractère épique savamment élaborées et finement travaillées. De quoi "mettre en boule" les fans de la première heure dont je fais pourtant partie.
Stratego, le 2ème single, sorti il y a peu, les réconciliera (peut-être) pour quelques minutes avec ce que l'on pourrait appeler une sorte de "période dorée", un titre tablant sur une sempiternelle cavalcade de guitares agrémentée comme toujours de ruptures syncopées, le groupe recherchant inlassablement la petite touche qui donnera au morceau ce petit cachet voire cet éclat de génie qui feront la différence. Ceux qui prétendent que "c'est toujours la même chose" n'ont pas dû prêter suffisamment attention aux subtilités pourtant apparentes. Ambition, évolution et créativité, tels semblent être par conséquent les maitres-mots qui caractérisent le long et lent processus de composition de Senjutsu. Mais bon là, Stratego, c'est stratégiquement un bon morceau direct à souhait tout comme The Writing On The Wall bien kiffant lui aussi avec son ambiance celtique.
Alors donc, le coupable pour les morceaux longs, c'est Steve Harris, la tête pensante du groupe, une tête dont Eddie pourrait s'occuper, il n'a que ça à faire ces derniers temps lui réservant le sort qu'il avait réservé à Paul DiAnno au moment du départ de ce dernier. Harris, je le soutiens pour ma part dans cette démarche d'avoir intégré des éléments de rock progressif, genre souvent décrié et ce, depuis longtemps. Mais sinon, posons-nous les bonnes questions : Rime Of The Ancient Mariner, Alexander The Great, pour ne citer qu'eux, ça vous dit quelque chose ? Car les vélléités progressives du groupe ne datent pas d'hier, hein, on est bien d'accord. On m'a même dit un jour qu'un morceau comme Phantom Of The Opera revêtait un caractère progressif lui qui, en son sein, comportait de nombreux changements de rythmes. J'étais scié quand on m'a dit ça lors d'un débat qui était intervenu sur un forum aujourd'hui exsangue......Donc pas de procès, pas de jugement pour notre ami Steve. "Prouve-nous ton innocence, Steve comme au "bon" vieux temps de la Terreur, c'est direct l'échafaud en place publique. Bon là, pour toi, on te fera une faveur, comme on te l'a dit, c'est Eddie qui s'occupera de toi pour nous avoir d'entrée de jeu proposés un titre pourtant inventif, répondant au doux nom de Lost In A Lost World. Ca démarre paisiblement avec l'ami Dickinson qui, de suite, intervient de façon délicate. Pas pour longtemps, "on s'appelle Iron Maiden", hein quand même car le titre s'emballe à coups de riffs à dominante celtique et ce, grâce à un tempo limite torturé faisant de cette pièce un moment-phare dans cet opus malgré ses..............9 minutes 36.....
Servi par un riff de tueur, Days Of Future Past tourne autour d'une jolie mélodie, préoccupation majeure du groupe, je n'aurai de cesse de le ressasser, une mélodie qui, en quelque sorte, définit la trame du morceau. Bref, on y revient sans cesse. C'est du maîtrisé contrairement à certains qui, il n'y a pas si longtemps, se sont englués (perdus ?) dans un style qu'ils ne dominaient pas.
The Time Machine est un titre qui débute sur une atmosphère apaisante avec pour seul bémol un Dickinson trop itératif sur un phrasé. Juste un peu pénible mais ça ne dure pas longtemps puisqu'immanquablement, nous revenons en terrain connu à savoir une avalanche de riffs puis de soli. Typique chez Maiden.
Darkest Hour lorgne vers un Esthétisme qui me touche. En effet, la paire Smith/Dickinson s'illustre de fort belle façon au service d'une mélodie enjôleuse. Quel talent de composition, quelle émotion également dans ce solo final d'Adrian Smith. Cet album, c'est pour moi la réussite de cette association à mon sens. J'adore pour ma part.
On frôle la faute professionnelle voire l'incident diplomatique avec ce qui suit. Pourquoi s'être contraint à vouloir aligner trois morceaux dépassant les 10 minutes et ce, malgré une qualité indéniable ? Pourquoi ne pas avoir placé soit Stratego soit The Writing On The Wall un peu plus loin soit un autre morceau plus catchy de façon à créer une rupture ? C'est juste une remarque. Volonté d'affirmer sa suprématie du sieur Harris sur les autres membres du groupe ? En même temps, c'est lui le Boss, le Dict..... (?)........Death Of The Celts et son côté The Clansman orientalisé (10'25), The Parchment, épique à souhait (12'36) et Hell On Earth (11'23) comme tous les autres morceaux longs présents sur cet album, ont ceci de récurrent : intro calme puis ça s'emballe et ça se conclut sur des envolées lyriques ponctuées de twin guitars râgeuses (merci Thin Lizzy et Wishbone Ash) avec enfin des soli incendiaires. Trois morceaux qui, malgré leur propre identité, conservent cette structure bien définie citée juste au dessus. Bref, c'est du Maiden "pur jus"...
Je comprends le désarroi de certains fans à l'écoute de ce nouvel "opus" (ça y est, je l'ai écrit
). Sachez néanmoins que le groupe a toujours été animé par la volonté d'évoluer, d'avancer et ce, dans l'unique but d'enrichir sa musique. Je me souviens que quand Rime Of The Ancient Mariner, Alexander The Great et Seventh Of The Seventh Son sont sortis, tout le monde a trouvé ça génial. Alors oui, on pourra me rétorquer qu'à l'époque, une pièce épique de ce type, il n'y en avait qu'une par album. Ok ok mais il y a deux paramètres dont il faut tenir compte. Le premier concerne l'âge. Je ne suis pas sûr que nos gaillards aient encore envie de s'atteler à la composition de morceaux ultra-rapides tels que Aces High ou bien The Trooper (qu'ils continuent de jouer sur scène, cela étant). Le deuxième concerne le dépassement de soi en termes de création. Je ne suis pas dans leur tête mais sans doute, aspirent-ils en tant que musiciens, à créer des compositions plus élaborées voire plus ambitieuses. C'est peut-être aussi ça l'apanage de la maturité. Senjutsu, l'ALBUM DE LA MATURITE ? Oui, ça s'pourrait, à mon humble avis pour un groupe qui nous a tant donnés durant toutes ces années.