Tommy Bolin, c'est le Hendrix blanc. Un guitariste, chanteur et compositeur d'exception, qui a vécu sa vie sur les chapeaux de roue avant de s'éteindre prématurément à l'âge de 25 ans. Trois décennies après sa mort, celui qui a inspiré à Jeff Beck ses Blow by Blow et Wired refuse de disparaître : non seulement sa musique est toujours vivante, mais un livre relatant son histoire, une réplique de sa guitare et une pédale fuzz reproduisant le son qu'il affectionnait sortent coup sur coup. Zoom sur un des fantômes les plus fascinants du rock.
Au lendemain de la mort de Tommy Bolin, le 4 décembre 1976, rien n'est fait pour entretenir sa légende. Le promoteur qui lui sert de gérant retourne à la production de spectacles; sa famille vend son équipement pour subvenir à ses besoins; ses compagnies de disques laissent filer les années sans rééditer ses enregistrements. L'artiste américain ne sombre pourtant pas dans l'oubli. À la fin des années 80, un coffret rétrospectif de son travail arrive chez les disquaires. La réaction est si positive que ses albums solo circulent de nouveau ; d'autres, posthumes, paraissent et The Tommy Bolin Archives voit le jour avec la mission de promouvoir son œuvre.
« La musique de Tommy Bolin sonne toujours aussi bien aujourd'hui que lorsqu'elle a été enregistrée, peut-être même mieux, juge Greg Prato, qui vient de publier Touched by Magic, un livre retraçant le parcours du musicien. Il se moquait des modes ou des sons qui étaient dans le vent. »
Ascension rapide
Bolin a tout. Un jeu original, conciliant le hard rock et le jazz, un indéniable talent de compositeur et une voix solide. À cela s'ajoute un look singulier, notamment une tignasse parsemée de mèches de couleurs. Ce sont d'ailleurs ces cheveux, trop longs au goût de la direction de son école secondaire de Sioux City, en Iowa, qui le mettent sur la route de façon précoce. À 15 ans, il part, sa guitare sous le bras, en quête d'un boulot. Il aboutit au Colorado, où il joint les rangs de la formation Zephyr, menée par la chanteuse Candy Givens. Deux disques naissent de cette collaboration, l'un en 1969, l'autre en 1971.
Bolin a beau être jeune, son doigté et le son qu'il développe en faisant abondamment usage de l'Echoplex (une pédale d'écho qui fonctionne à partir d'un ruban) attire l'attention. Lorsque le guitariste part fonder Energy, le batteur Billy Cobham (Mahavishnu Orchestra) le contacte afin qu'il vienne pimenter son premier projet solo. En quelques séances d'enregistrement Spectrum prend forme et devient un classique. Jeff Beck l'adopte et en reprend des titres encore aujourd'hui, Massive Attack échantillonne la pièce Stratus dans les années 90 et Cobham lui-même fait maintenant des tournées anniversaires de ce long jeu.
« Tommy ne pouvait lire la musique, alors les musiciens lui jouaient les partitions et il les assimilait immédiatement, raconte Greg Prato. Il pouvait jouer tout ce qu'on lui demandait, peu importe le style. »
Le rêve de Bolin est d'être à la tête de sa propre formation. Sa situation financière précaire l'éloigne toutefois de ses ambitions. James Gang, qui voit son guitariste Joe Walsh quitter pour former The Eagles, le recrute. Deux albums plus tard, l'histoire se répète : tandis qu'il œuvre à l'élaboration de son disque solo Teaser, c'est au tour de Deep Purple de faire appel à ses services. Ainsi naît le très intéressant Come Taste the Band, qui transporte la troupe britannique dans une nouvelle direction artistique, touchant au funk et à la soul.
Descente aux enfers
L'immense talent de Bolin se double d'une grande dépendance à l'alcool et à la drogue, notamment à l'héroïne. Généralement, Bolin peut monter sur scène sans que son jeu ne soit affecté par sa consommation, mais durant la tournée mondiale de Purple, ces ennuis deviennent embarrassants : un soir, avant une représentation au Japon, un mauvais fix lui fait perdre presque entièrement l'usage d'un bras... À la fin de la tournée, le groupe éclate et Bolin, qui avait lancé Teaser à la même période, bien accueilli, remet son projet solo en selle. Un nouveau microsillon, Private Eyes, est dans la mire, puis une tournée qui se terminera de façon dramatique.
Une semaine avant sa mort, son gérant lui fait prendre une assurance-vie. Bolin a également un garde du corps qui doit tenir à distance les mauvaises fréquentations du guitariste. Or au terme d'une représentation à Miami, ils sont néanmoins plusieurs à venir festoyer à son hôtel et à le voir être victime d'une overdose. Ils le mettent dans un bain froid, il reprend vie, maugrée des mots, après quoi on l'installe dans son lit. Son garde du corps le retrouvera ensuite sans vie. Négligence criminelle ?
« Ces gens prétextaient que s'ils contactaient la police, Bolin aurait mauvaise presse et perdrait son contrat de disques, mais c'est un non-sens : s'il est décédé, il ne pourra plus jamais jouer, non ? Il y a quelque chose qui n'est pas clair », observe Prato.
Autre élément litigieux, c'est son gérant Barry Fey (et non sa famille) qui empoche les 200 000 $ d'assurance-vie du défunt, sous prétexte qu'il doit éponger ses dettes. Fey assure que c'était convenu depuis longtemps, or les témoignages réunis par Greg Prato se contredisent et il est difficile de déterminer qui dit vrai...
Peu après la mort de Jimi Hendrix, l'impresario du guitariste avait remis à Tommy Bolin une bague que portait l'auteur de Foxy Lady. Quand il fut temps de mettre Bolin dans son cercueil, le jonc qui avait connu deux des plus grands guitaristes du rock l'a suivi sous terre.
« Bolin est le chaînon manquant entre Hendrix et Van Halen, conclut Greg Prato Il a pris, jusqu'à un certain point, un son lourd comme celui d'Hendrix, auquel il a ajouté une technique hyper précise comme celle d'Eddie Van Halen. »
Source :
http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/arts-et-spectacles/disques/200903/27/01-840986-tommy-bolin-le-retour-dune-etoile-filante.php