En ressuscitant Technics, Panasonic mise sur la revanche du vinyle
Yann Rousseau Le 07/10 à 06:00
Constatant un réveil du marché de la musique analogique, le groupe japonais a relancé la production de ses platines haut de gamme, qui équipaient tous les clubs de la planète.
Sur l'un des murs de la salle de formation de l'usine Panasonic d'Utsunomiya, un tableau présente les performances devant être atteintes par chaque nouvel employé. Le classement des apprentis, dressé en fonction de leur capacité à assembler et visser avec précision, est organisé en ceintures de couleur. « Seules les ceintures rouges peuvent accéder à la chaîne d'assemblage des produits Technics », prévient la formatrice, qui pointe la délicatesse du matériel hi-fi de cette marque récemment ressuscitée par le groupe japonais.
Technics avait été placé en hibernation en 2010. La domination de la musique digitale, sur smartphone ou PC, apparaissait alors implacable aux yeux des dirigeants de Panasonic, qui cherchaient, au même moment, à unifier leurs marques et à régénérer leurs profits. Après un sommet de popularité dans les années 1980 et 1990, sa gamme Technics, lancée en 1965, apparaissait incapable de redresser ses ventes.
Quatre ans après cette décision, les cadres du groupe ont pourtant perçu comme un frémissement : le retour d'une demande pour un son plus pur et authentique, notamment en Europe. Sur Change.org, un DJ israélien venait d'ailleurs de réunir 25.000 signatures en faveur d'une pétition suppliant Panasonic de reprendre la production de ses mythiques platines SL-1200, qui équipent tous les grands clubs de la planète.
Le Japon rattrape son retard
La direction a revu ses calculs. « Le marché des appareils audio haut de gamme devrait croître à l'échelle mondiale de 100 milliards de yens (1 milliard de dollars) en 2013 à 120 milliards de yens en 2018 », explique Kyoko Ishii, l'une des porte-parole de Panasonic, pour justifier le réveil de Technics.
Au Japon, cette demande devrait bondir de près de 30 % sur la même période, une clientèle de baby-boomers et de jeunes consommateurs retrouvant le chemin des bacs à vinyles. L'an dernier, les ventes de ces disques ont bondi, selon la Recording Industry Association of Japan, de 60 % dans l'Archipel, qui connaît, avec un retard sur les autres pays, un essoufflement des ventes de CD. La semaine prochaine, le groupe Lawson HMV va même inaugurer dans le quartier de Shinjuku, au coeur de Tokyo, le plus grand magasin de vinyles du pays. Il proposera un choix de 70.000 disques, contre seulement 20.000 CD.
S'il avait d'abord misé sur la commercialisation d'enceintes et d'amplificateurs Technics pour profiter de cette mode, Panasonic a finalement accepté, l'an dernier, de revenir sur le marché quelque peu confidentiel des platines haut de gamme, où ses concurrents japonais Sony ou Pioneer - dont l'activité des platines est désormais contrôlée par le fonds américain KKR - avaient prospéré en son absence.
La renaissance aura été toutefois plus compliquée que prévu. « Les ingénieurs qui avaient fabriqué cette platine étaient partis à la retraite ou avaient rejoint d'autres entités. Nous avions aussi perdu une partie des moules et des outils nécessaires à la production », se souvient Hiromichi Kamishibahara, l'un des responsables de l'usine d'Utsunomiya. Avec l'aide de certains anciens, le groupe a tout de même réussi à relancer un atelier dédié, dans une salle de cette immense usine autrefois très active, où le groupe assemble aussi de petites séries de téléviseurs 4K pour le marché nippon.
Chaque jour, douze « ceintures rouges » fabriquent ainsi, une à une et à la main, une vingtaine de platines SL-1200, proposées au prix de 330.000 yens (2.900 euros). « Nous avons conservé le design de la platine d'origine, mais nous avons encore amélioré la technologie de notre moteur d'entraînement », précise Hiromichi Kamishibahara. Une technologie que les DJ plébiscitent. En avril dernier, les 300 premiers modèles de l'appareil de nouvelle génération s'étaient arrachés en trente minutes au Japon.
Yann Rousseau, Les Echos
Correspondant à Tokyo