DEEP PURPLE : Infinite
Un nouveau Deep Purple, c'est un peu comme une crème anglaise, on n'a pas envie qu'elle tourne même si pour certains albums, elle a tourné plus vite que prévu. Nous ne les citerons pas car ils sont connus. Ce 20ème album (eh oui déjà, comme le temps passe) intitulé Infinite nous propose seulement 9 nouveaux titres puisque le 10ème n'est autre qu'une reprise très personnelle mais fort bien exécutée des Doors à savoir Roadhouse Blues.
Autant vous l'avouer, cet album se veut être d'une complexité rare à chroniquer tant je le trouve riche et accompli même si, reconnaissons-le, il ne sera jamais doté de la même réputation qu'un In Rock, Machine Head ou bien Made In Japan voire d'un Burn...
L'opener Time For Bedlam présenté comme single, débute donc sur une introduction parlée au vocoder (un dispositif électronique de traitement du signal sonore). Morceau lancé telle une charge de la Brigade légère sur un rythmique de plomb assurée par les indéboulonnables Roger Glover (quelle ligne de basse !!!!!!!) et Ian Paice (son jeu de batterie est d'une subtilité rare), chapeauté par des nappes d'orgue presque hystériques de Don Airey et un chant très posé et lancinant de Ian Gillan. Morse lui, est discret dans ses interventions et on ne s'en plaindra pas. Ce dernier module sa voix avec justesse et l'on a l'impression que les morceaux de cet opus ont été composés en fonction de notre ami tant aujourd'hui nous connaissons ses limites. Le morceau s'achève sur une fraction parlée très solennelle, en mode messe que l'on entend le dimanche matin au Jour du Seigneur.
Hip Boots, interprété live à de rares occasions en 2015 sous le titre initial de Got My Hip Boots On, n'a pas de charme spécial si ce n'est qu'il a le mérite (l'inconvénient ?) d'être dans le tracklisting placé entre les deux singles déclarés, le second étant All I Got Is You et que l'on a l'impression qu'il sort tout droit d'une jam bluesy pondue à 4h du matin....Un titre bien sympa mais bon qui ne restera pas dans les annales purpleiennes. Mais bon, on s'en doutait un peu. Don Airey nous place, cependant, un solo d'excellente facture.
Parlons-en donc de ce 2ème single et de son intro aérienne orgue-guitare au tempo tout particulièrement débridé. Un morceau certes assez convenu mais qui a le mérite de nous accrocher l'oreille : c'est un peu le but d'un single, non ? Ceci dit, je pense que le morceau suivant One Night In Vegas aurait pu très bien voire mieux assurer cette fonction et ce, grâce à son rythme très catchy, pour faire court une puissance de feu que l'on pouvait percevoir et déceler dans certains titres du répertoire passé et glorieux du groupe. Airey nous gratifie d'ailleurs d'un solo lumineux et frétillant. Mon morceau préféré de l'album, assurément...Et puis, ça fait référence au bassiste de Foghat, groupe britannique des 70's (vous savez ceux qui ont publié un album live légendaire en 77) à qui sa compagne lui avait fait une surprise de taille : en effet, après une cuite mémorable, il s'était retrouvé avec la bague au doigt. D'ailleurs aux dernières nouvelles selon Roger Glover, le couple serait toujours uni comme jamais.
On retombe dans le dispensable avec Get Me Outta There avec ceci dit une bonne intro presque pachydermique à la Into The Fire de la part de Paice. S'ensuit un tempo particulièrement enlevé limite syncopé donc complexe. Un titre dans lequel je ne parviens pas à rentrer et ce, malgré le solo affûté de Morse en fin de parcours.
Je n'ai pas apprécié The Surprising dans l'immédiat. Partant d'une intro inquiétante limite fantomatique rappelant sans nul doute l'ambiance de Vincent Price extrait de Now What ?!, la guitare de Morse et la voix douce de Gillan oscillant vers quelque chose qui ne serait pas sans rappeler de vieilles complaintes puis soudain, roulement de batterie et clavier projettent le morceau vers des contrées progressives que le groupe affectionne tout particulièrement depuis déjà quelques années.
Johnny's Band, morceau assez convenu dans sa structure, qui ne brille pas par son inspiration, admettons-le, fait bien plus office de filler juste avant un On Top Of The World qui, moi me plait tout particulièrement alliant ainsi puissance et subtilité. Il y a très peu de groupes qui savent le faire.
Birds Of Prey nous dépeint dans sa composition, et ce, après tant d'années d'activité, un groupe ambitieux qui semble encore avoir des choses à dire, bref soucieux de surprendre encore ses fans, ce qui est, par conséquent tout à fait louable de sa part. Ensuite, la rupture prog orchestrée dans un premier temps par un Gillan presque floydien dans son registre vocal (on va parler de petites pincées) puis dans un second temps par Airey en plein milieu du titre, constitue un véritable caviar pour le long solo méga-dramatique du Morse qui s'en donne à coeur joie. Perso, moi qui ne suis pas un grand fan du blond guitariste, je trouve que là, il impressionne son auditoire. Quant à Paice, celui-ci nous délivre une prestation absolument enthousiasmante.
L'album se conclut sur la reprise très personnelle et donc très fun des Doors, Roadhouse Blues, une reprise honorable qui sans équivaloir l'original, se situe également à des années-lumière de celle qui figure sur le monumental double live Extraterrestrial Live de Blue Öyster Cult avec donc Robbie Krieger en guest. Ils ont voulu se faire plaisir comme écrit plus haut.
Ceux qui tirent leur épingle du jeu sont incontestablement Don Airey qui, de par ses interventions particulièrement à propos, illumine la tonalité de cet album au demeurant très sympathique et Ian Paice qui, quelle que soit la complexité du morceau, nous propose une prestation de haute technicité et de qualité.
Si la carrière du groupe devait s'achever avec cet album, je pense qu'il ne ferait pas honte au long parcours de nos cinq compères. Bien au contraire. Nous verrons ce que l'avenir leur réservera après la tournée The Long Goodbye, tournée qui montrera que nos amis sont encore dotés de capacités infini(t)es...