STRATAGEME : "Les 70 ans de Gégé", Cergy, Pacific Rock, 10/3/18
A mon avis, Gégé, ci-devant bassiste historique de Stratagème, avait dû y penser depuis longtemps que d'inviter tous ses potos pour fêter ses 70 printemps. Etre parmi les siens afin de célébrer une existence entière consacrée à la musique, voilà ce qui comptait pour notre Gégé, un homme d'une grande gentillesse et d'une grande générosité à l'égard de ses pairs mais aussi de ses amis et c'est donc que tout logiquement, il décida de mettre ça sur pied des mois à l'avance afin de prendre le temps de peaufiner cet évènement qui, rappelons-le, allait se dérouler dans ce que l'on pourrait appeler sa "deuxième maison", à savoir le Pacific Rock.
Un Pacific Rock qui se remplit tout doucement à l'approche de "l'Evènement" dans une ambiance bon enfant. Avant Stratagème sont prévus deux groupes que présente avec une certaine classe, notre Gégé national : Before Eleven et Octane. Le premier ouvre donc les hostilités sur un rock bien huilé qui ne m'interpelle guère plus que ça. Ca s'écoute néanmoins assez bien. Le deuxième donc Octane, originaire de Laval, me "scie" carrément. Proposant un heavy metal puissant composé de mélodies accrocheuses sur fond de riffs acérés, le combo met quasi immédiatement dans sa poche le public cergy-pontain et ce, grâce à des titres comme I Saw The Light. Une véritable déferlante de décibels qui s'appuie des phrasés lourds et épais. Le guitariste-chanteur, vêtu d'un élégant kilt, de par sa voix puissante, nous gratifie de prouesses vocales étonnantes et de soli particulièrement étincelants. Et puis à ses côtés, se trouve une jolie vocaliste à la voix suave et cristalline, qui de temps à autre vient avec talent, épauler sur un tambour de fortune le batteur à l'allure très "Jason Bonhamienne". A aucun moment, sur un son particulièrement clair, on ne s'ennuie et c'est à regret que le public laisse partir ce groupe lavallois vraiment talentueux. Vivement la sortie de l'EP et d'un album.
Gégé
On va dire une petite demi-heure plus tard apparaissent assis sur scène l'emblématique Patrick Abrial à la guitare acoustique et Jye à la guitare électrique. Par le biais de comptines électriques et électrisées, Patrick, en jouant avec les rîmes et les mots, nous raconte des histoires du quotidien tantôt hilarantes et coquines tantôt mélancoliques et tragiques sur un fond de blues, de rock (avec un petit coup d'oeil à Jimi Hendrix grâce à une petite interprétation de Voodoo Child) et de folk. Il nous les raconte tantôt en parlant tantôt en invectivant le public médusé devant tant d'engagement et de râge. Tout ceci est accompagné par les soli subtils de Jye qui, par petites touches subtiles, sublime le morceau. Un instant de pur bonheur.
C'est donc au tour des Strata Boys (que je n'avais pas vus depuis leur première partie de Graham Bonnet.........au Pacific Rock) de fouler la scène d'une salle qu'ils connaissent bien, qu'ils aiment aussi parce qu'ils s'y sentent bien. C'est Alex, parti aujourd'hui vers des "Black Horizons" du côté de cette superbe région que l'on nomme le Béarn, d'entamer les hostilités sur un tellurique Believe suivi, me semble t-il (je n'ai pas pu récupérer la setlist) sans relâche d'un Believe atomique. Pour ce début de show, le groupe a choisi de revisiter Highway, un album magistral qui date déjà d'il y a 4 ans (mais comme le temps passe...). Bien avant, je croise Alex qui me fait part de son inquiétude quant à la ré-interprétation de ces morceaux qu'il a souvent transcendés en live. Eh bien, le bougre, il n'a rien perdu de sa verve et de sa superbe vocalement parlant. Il nous sort le grand jeu, alliant à la fois ses prouesses vocales, son exubérant jeu de scène et ses mimiques à la Charles Trenet. "Le Fou Chantant" du Hard Rock, c'est qui ? C'est Alex Puiseux.
Qu'il est heureux, le Gégé !!!!!!!
Aurèl, le jeune batteur du groupe qui a remplacé depuis déjà quelques temps remplacé, notre Jean-Pierre, batteur historique du groupe, martyrise ses futs avec une conviction sans failles, notamment sur Sweet Little Girl pachydermique à souhait. Comme d'habitude, le Kalfounet nous pond des soli d'extraterrestre notamment sur Always With Me, Always With You du Satch. Sa guitare tantôt couine, tantôt pleure puis se fait râgeuse au moment où le public s'y attend le moins. C'est aussi ça qui fait la force du combo.
Le jovial Pat O'May fait subitement une apparition remarquée sur un titre de son crû puis s'embarque sur une reprise, ma foi fort bien exécutée du WhisKey In The Jar popularisé par Thin Lizzy. Notre gaillard aux allures assez proches d'un Warren Haynes en connaît un rayon en termes de solos de guitare hyper mélodiques et finement ciselés.
Entre chaque changement de personnel, il y a parfois un moment de flottement qui vient s'inviter sous la forme notamment de guitares qui se désaccordent mais bon, le public s'en moque et prend tout ceci avec humour et bonhommie.
Boban Milojevic, chanteur d'un temps chez Stratagème, prend le relais aux vocaux pour se lancer dans une magnifique interprétation de Don't Break My Heart Again du Serpent blanc. On sent que le répertoire de la Purple Family n'a pas de secret pour lui puisqu'un peu plus tard il s'illustrera à nouveau brillamment dans ce registre. L'ami Denis Paufique est également de la partie si mes souvenirs sont bons.
C'est aussi l'occasion pour notre Gégé de fêter comme il se doit son 40ème (me semble t-il) anniversaire de mariage, offrant ainsi un bouquet de fleurs pour son épouse ô combien émue. Remarquez bien que lui aussi, est très zému (je pense qu'il y a eu la ch'tite larmichette). Entre-temps, Thibault Abrial, rejoint également par son père, que l'on ne présente plus, est monté sur scène pour célébrer cet évènement très émouvant.
Nos quatre compères se concentrent alors sur un ou deux titres (je ne sais plus) du répertoire "abrialien" et le père, pour ne citer que lui, s'engage dans une litanie parfois crue à laquelle l'assistance répond tantôt par des rires tantôt par des ovations.
Thibault Abrial
Nos amis ne tiennent pas en place. "C'est quand même l'anniv' de Gégé". Il faut donc en profiter et c'est notre Alex affûté comme une pile électrique qui rameute ses camarades de route pour un Give Me All Your Love de Whitesnake, un Eruption (reproduit note pour note par Thibault Abrial), un You Really Got Me et un Panama de VH revigorants.
Après une petite heure et demie, nos héros tiennent quand même à se reposer mais aussi à se rafraîchir car reconnaissons que jusqu'ici, ils se sont bien démenés. La fille de Gégé en profite alors pour prendre le micro et vanter à quel point son père fut en permanence aimant à l'égard de sa famille. Pour faire court, "le père que tout le monde aimerait avoir", selon elle.
Sur ces bons mots, le groupe revient augmenté du nouveau jeune chanteur Matthieu Aufranc à la voix d'or sur un Highway Star du Pourpre qu'il interprète sans aucune difficulté sur les passages notamment hurlés. Cela semble pour lui être d'une facilité déconcertante.
Le jeune vocaliste cède sa place à Rémy Laëron, l'ex-chanteur de Stratège et Face To Face (groupe originellement créé par Farid Medjane et Fred Guillemet après la séparation de Trust en 1989 et que j'avais vu pour ma part aux Monsters Of Rock en 1990 à l'Hippodrome de Vincennes). Revisiter Smoke On The Water pour tout groupe de musique quel qu'il soit, procure de toute évidence un plaisir incommensurable surtout lorsque Pascal Mulot, bassiste de renom, joue à la note près les parties de basse de Roger Glover et Rémy Devillard, guitariste sur l'album Mannderly (qu'il me signera soit dit en passant), s'illustre de fort belle façon en y ajoutant un solo d'excellente facture ainsi que sur Black Night qui suivra.
Dans un tout autre registre ainsi que le signifie Jean-Claude Rapin, guitariste blues hyper talentueux, nos amis s'emploient alors à interpréter dans une version très étirée le Superstition de Stevie Wonder de façon ô combien brillante, cela va sans dire avec au chant un Mat absolument impressionnant. Et puis, il y a Thibault Abrial et Pascal Mulot qui viennent prêter main forte à tout ce petit monde pour une jam endiablée. Les soli pleuvent en rafales sur fond de basse vrombissante. C'en est presque enivrant.
Boban revient pour un incandescent The Thrill Is Gone de feu BB King avec pour guitaristes Jean-Claude Rapin et Rémy Devillard qui assurent à merveille se renvoyant tour à tour des soli célestes. En plus, je le répète, le son du Pacific Rock est excellent et ce, grâce à Olivier, l'ingé-son qui effectue un travail d'orfèvre tout au long de ce concert-anniversaire. C'est aussi le cas sur Little Wing interprété par un Pascal Mulot qui nous fait découvrir un joli brin de voix.
Egalement un joli brin de voix de la part de notre compatriote qui a voué fait et cause pour la musique celtique puisque Pat O'May s'attèle, après maints soucis de tuning, à Over The Hills And Far Away du regretté Gary Moore. Belle version qui, naturellement, me fait me remémorer cette vibrante tournée que fut le Wild Frontier Tour de 1987.
Gégé est aux anges.
Tout ce qui touche également à la musique AOR, Boban est comme un poisson dans l'eau et ce n'est pas cette interprétation puissante de Hold The Line de Toto qui le démentira. Un coffre impressionnant, le Boban. Et pendant ce temps-là, l'infatigable batteur Aurèl qui ne compte plus les heures, multiplie les contre-temps subtils. C'est clair qu'il marque, Aurèl.....
Gégé nous fait savoir qu'il est déjà très tard et qu'il va falloir un peu accélérer le rythme. Bah justement, à propos d'accélération, on se dépêche de changer de batteur pour laisser se reposer notre ami Aurèl (c'est Gilles Preneron qui le remplace) et donc on tombe pile poil dans le concept avec le Devil's Child du Priest interprété martialement par un Mat qui se sent vraiment à l'aise dans ce registre, You Shook Me All Night Long d'AC/DC et Knockin' On Heaven's Door de Dylan dans une version comparable à celle que donnaient les Guns dans les années 90.
Tout ceci s'achève en apothéose où tous les musiciens et quelques personnes issues du public se réunissent sur scène pour entonner un percutant Highway To Hell.
Cette soirée, on ne sera pas près de l'oublier en effet, Gégé, non plus d'ailleurs car de toute évidence, un concert qui atteint un tel niveau de "strata-sphère" ne peut que revêtir la stature d'une "strata-gemme"....